Systèmes à événements
discrets
Sommaire
Le début de l'histoire
La théorie des
systèmes et de leur commande, alias
l'Automatique,
s'est intéressée dès ses origines à des
systèmes physiques généralement décrits
par les équations
différentielles ou aux
dérivées
partielles auxquelles obéissent les
phénomènes physiques correspondants. L'avènement
des ordinateurs conduit à décrire parfois
l'évolution de ces systèmes par des équations
dynamiques en temps
discret, ce qui ne remet pas en cause la
nature continue
de cette évolution.
Par ailleurs, la linéarité est une
propriété mathématique intéressante qui
simplifie beaucoup la manipulation de modèles
mathématiques. Dans les années 70 et 80,
l'Automatique non
linéaire a commencé à
se développer, après que les années 60 aient
été l'âge d'or de l'Automatique linéaire.
L'Automatique non linéaire s'adresse
généralement à des équations dynamiques
"lisses" ou "différentiables".
Avec les progrès de la technologie, l'Homme
s'est mis à construire des systèmes de plus en plus
complexes et complètement artificiels, du moins en ce qui
concerne leur mode de fonctionnement considéré à
un niveau de conceptualisation adapté à leur gestion ou
à leur commande. Pour fixer les idées, citons
les
- réseaux de transport,
- réseaux de communications et
d'ordinateurs,
- unités centrales d'ordinateurs
elles-mêmes,
- ateliers de production manufacturière,
notamment dans leur version "ateliers
flexibles" modernes.
Ce ne sont bien sûr que quelques exemples.
Dans ces systèmes, l'essentiel de l'enchaînement
dynamique des tâches provient de
phénomènes
- de synchronisation (dont nous
allons reparler),
- et d'exclusion
mutuelle ou compétition dans
l'utilisation de ressources communes, ce qui nécessite une
politique d'arbitrage ou de priorité, questions
généralement désignées sous le terme
générique d'ordonnancement.
Ce type de dynamique échappe totalement
à la modélisation par équations
différentielles ou leurs équivalents en temps discret.
C'est sans doute pourquoi ces systèmes, qui sont pourtant de
réels systèmes dynamiques, ont longtemps
été négligés par les automaticiens et ont
plutôt été étudiés par les
spécialistes de Recherche
Opérationnelle, de Productique, d'Informatique, etc., en fonction
des domaines d'applications traités, sans qu'une
"théorie des systèmes" généraliste
émerge véritablement. On peut quand même citer
des théories d'inspiration graphique (réseaux
de Petri), probabiliste
(réseaux de files
d'attente), etc., mais qui n'ont pas de
forte parenté avec la théorie des systèmes en
Automatique.
Ce qui s'est passé de nouveau au
début des années 80, c'est la prise en compte de ces
systèmes par le monde de l'Automatique. On les a alors
appelés "Systèmes à
Événements Discrets" (SED).
Le mot "discret"
ne signifie ni "temps
discret", ni "état discret" (on verra
que les variables d'état peuvent effectivement prendre des
valeurs continues) mais ce mot réfère au fait que la
dynamique est composée d'événements qui
peuvent d'ailleurs avoir une évolution continue, mais ce n'est
pas cela qui nous intéresse au premier chef : ce qui nous
intéresse, c'est le début et la fin de ces
événements, dans la mesure où les fins
conditionnent de nouveaux débuts.
Pour en terminer avec ces
généralités, disons que la théorie des
SED
peut être divisée actuellement en deux ou trois grandes
approches :
- l'approche logique qui ne
s'intéresse qu'à l'occurrence des
événements ou l'impossibilité de cette
occurrence ("impasse" ou "blocage", en Anglais "deadlock") et à la
succession de ces événements, mais pas à la
date
précise de ces occurrences, autrement dit pas aux aspects
de performances ; W.M.
Wonham et P. Ramadge, et après
eux de nombreux auteurs, ont étendu à la
théorie des Automates et des
Langages Formels la
problématique de la commande, qui agit dans ce
cas sur l'inhibition de certaines transitions d'état pour
éviter les comportements non désirés (on
cherche à faire en sorte que l'automate ne produise qu'un
sous-langage "acceptable" du langage qu'il peut produire sans
contrôle) ;
- l'approche quantitative qui s'adresse à
l'aspect "évaluation de
performance" (mesurée par le
nombre d'événements survenant dans un laps de temps
donné), voire à l'optimisation de ces
performances ; dans ce contexte général, on
peut distinguer deux écoles :
- l'approche "perturbation analysis"
inaugurée par Y.C.
Ho (probablement le père de
l'expression "Discrete Event Dynamic
Systems") et toutes les variantes
qui ont suivi et qui cherchent à résoudre toutes
sortes de problèmes d'optimisation non classiques, en
raison de l'aspect "événements discrets", et ce généralement dans un contexte
stochastique ;
- l'approche "Max
Plus", qui fait l'objet de nos
recherches, et dont il est donc essentiellement question dans
la suite.
L'approche Max Plus en quelques mots
En quelques mots, cette approche se
caractérise par
- l'utilisation d'une algèbre adaptée, l'algèbre "Max Plus" (essentiellement,
l'addition de deux nombres devient le maximum de ces deux nombres
et la multiplication de deux nombres est le plus habituel ; par
exemple 3 plus 5 égale 5, et 3 fois 5 égale 8), ou
plus généralement, l'algèbre des
dioïdes (ou semi-anneaux
idempotents) ;
- la limitation à certaines classes de
SED, ceux qui ne mettent en jeu que des
phénomènes de synchronisation (ce qui
suppose la concurrence déjà arbitrée par une politique
d'ordonnancement à un niveau plus
élevé) ; essentiellement, ces systèmes
se modélisent dans le paradigme des réseaux de Petri
par la sous-classe des graphes
d'événements ;
- l'aspect évaluation de performances (les graphes d'événements correspondants
sont donc temporisés).
Dans ce cadre, les graphes
d'événements temporisés deviennent des
systèmes
linéaires justiciables d'une
théorie très analogue à la théorie des
systèmes linéaires traditionnelle.
Ajoutons cependant que
- d'une part, nos recherches ne se limitent pas
forcément aux SED qui sont
linéaires dans les algèbres de dioïdes ;
- d'autre part, les algèbres de
dioïdes ont d'autres utilisations que la théorie des
SED, et ces applications nous intéressent
aussi.
En savoir plus. . .
Petit glossaire
- SED
- système à
événements discrets
- Dioïde ou
semi-anneau idempotent
- structure algébrique munie d'une
addition associative, commutative, avec élément
neutre ("zéro"), et d'une multiplication associative, avec
élément neutre ("un"), la multiplication
étant distributive par rapport à l'addition, le
zéro étant absorbant pour la multiplication
(zéro fois a égale zéro pour tout a) ; enfin, l'addition
est idempotente, c'est-à-dire que a plus a égale
a pour tout
a.
- Graphe d'événements
- réseau de Petri ne comportant pour
chaque place qu'une seule transition amont (d'entrée) et
une seule aval (de sortie), donc aucune compétition dans
l'approvisionnement des places en jetons ni la consommation de
jetons dans les places ; les transitions pouvant par contre
comporter plusieurs entrées et sorties, les contraintes de
synchronisation sont bien représentées par ces
graphes.
Dernière mise à jour par
Guy Cohen le 14 janvier
2000