Activités de recherche

 

 

 

- Post-doctorat -

 

Je travaille actuellement sur un modèle d'interactions entre cycle cellulaire et horloge circadienne chez des cellules saines et cancéreuses.

 

Chez les mammifères, de nombreux processus physiologiques sont contrôlés par des rythmes moléculaires de période environ 24 heures, les rythmes circadiens (ou horloge circadienne). Ces rythmes, bien qu'endogènes, sont très sensibles aux stimuli extérieurs, également appelés facteurs d'entraînements exogènes ou synchroniseurs (cycles lumière/obscurité, activité/repos, ...). Ces facteurs exogènes modifient la période (et la phase) des rythmes circadiens afin de les faire coïncider avec l'horloge externe dont la période est de 24 heures exactement. Les synchroniseurs ont une action sur l'horloge moléculaire de toutes les cellules de l'organisme et influencent donc le cycle de division de ces dernières.

 

Des données issues d'observations cliniques et d'expérimentations biologiques ont montré qu'une perturbation des rythmes circadiens engendre une accélération de la croissance tumorale, et est donc un facteur de mauvais pronostic pour le patient.

 

Ainsi, l'objectif de ce travail est d'analyser, à l'aide de la modélisation mathématique, les interactions entre rythmes circadiens et division cellulaire, et d'étudier in silico l'impact de ces interactions sur la prolifération cellulaire de cellules saines et cancéreuses. Cette étude s'intègre dans un projet européen pluridisciplinaire (C5Sys, Circadian and cell cycle clock systems in cancer), coordonné par F. Lévi (Oncologue, Hôpital Paul Brousse, Villejuif, INSERM U 776), et regroupant différentes équipes de médecins, biologistes, bioinformaticiens et mathématiciens.

 

Mon travail est basé sur un modèle mathématique du cycle de division cellulaire dans des populations de cellules, modèle qui intègre un contrôle temporel de l'apoptose et des transitions entre chacune des phases de ce cycle (G1, S, G2 et M). Ce modèle se compose d'EDP de type von Foerster-McKendrick, régissant l'évolution temporelle de la densité de cellules dans chacune des phases du cycle, en fonction du temps et de l'âge des cellules dans chacune de ces phases.

 

Le faible degré de complexité du modèle favorise le recours à des données d'imagerie, par exemple de microscopie par fluorescence telle la méthode Fucci, afin de déterminer expérimentalement les paramètres du modèle, et plus spécifiquement les taux de transition. Les données d'imagerie sur lesquelles mon étude est basée sont le résultat d'une collaboration étroite menée avec les biologistes du projet C5Sys.

 

 

La méthode Fucci permet de déterminer, pour un temps donné, si une cellule est en phase G1 ou en phase S/G2/M du cycle cellulaire, et donne ainsi accès à la durée passée par cette cellule dans chacune de ces deux phases [1,2]. Développée récemment, cette méthode ne permet pas encore de distinguer les phases S, G2 et M, d'où le choix de se restreindre, pour le moment, à un modèle biphasique. Des données expérimentales d'enregistrements temporels d'intensités de fluorescence ont ainsi permis de déterminer sur une population de cellules saines in vitro, de type NIH3T3 (fibroblastes embryonnaires de souris), non soumise à un contrôle temporel externe (i.e. exercé par les synchroniseurs), la répartition de la durée des deux phases, G1 et S/G2/M, au sein de la population. J'ai ajusté à ces distributions de durées expérimentales des distributions Gamma, et ai déterminé les taux de transition du modèle, i.e. entre les phases G1 et S/G2/M, et entre S/G2/M et G1.

 

Sans contrôle temporel (i.e. sans action d'un synchroniseur central), les oscillations des pourcentages numériques de cellules en G1 et S/G2/M sont amorties, ce qui reflète une désynchronisation progressive des cellules (croissance asynchrone). L'ajout au modèle d'un contrôle temporel 24h-périodique des transitions de phases du cycle cellulaire induit des oscillations soutenues, 24h-périodiques, des pourcentages de cellules en phase G1 et S/G2/M. Les cellules sont ainsi synchronisées dans le cycle cellulaire.

 

Des expérimentations réalisées dans des milieux de culture différant par leur pourcentage de sérum foetal bovin (FBS en anglais) permettent d'étudier l'effet de facteurs de croissance sur la synchronisation des cellules d'une même population dans le cycle cellulaire.

 

Ces travaux ont donné lieu à des publications dans différentes revues scientifiques internationales [3,4,5,6].

 

 

Références

[1] A. Sakaue-Sawano, H. Kurokawa, T. Morimura, A. Hanyu, H. Hama, H. Osawa, S. Kashiwagi, K. Fukami, T. Miyata, H. Miyoshi, T. Imamura, M. Ogawa, H. Masai, and A. Miyawaki. Visualizing spatiotemporal dynamics of multicellular cell-cycle progression. Cell, 132(3):487–498, 2008.

[2] A. Sakaue-Sawano, K. Ohtawa, H. Hama, M. Kawano, M. Ogawa, and A. Miyawaki. Tracing the silhouette of individual cells in S/G2/M phases with fluorescence. Chem Biol, 15(12):1243–1248, 2008.

[3] F. Billy, J. Clairambault, O. Fercoq, S. Gaubert, T. Lepoutre, T. Ouillon, S. Saito. Synchronisation and control of proliferation in cycling cell population models with age structure. Math Comp Simul, 2012. 46 pages. In press.

[4] F. Billy, J. Clairambault, O. Fercoq, S. Gaubert, T. Lepoutre, T. Ouillon. Proliferation in cell population models with age structure. In Proceedings of ICNAAM 2011, Kallithea Chalkidis (Greece), 1212-1215. American Institute of Physics, 2011.

[5] F. Billy, J. Clairambault, and O. Fercoq. Optimisation of cancer drug treatments using cell population dynamics. In ''Mathematical Methods and Models in Biomedicine'', pages 257-299. A. Friedman, E. Kashdan, U. Ledzewicz and H. Schättler eds, Springer, New-York, 2012. In press.

[6] F. Billy, J. Clairambault, F. Delaunay, C. Feillet, N. Robert. Age-structured cell population model to study the influence of growth factors on cell cycle dynamics. Math Biosc Eng, 2012. 17 pages. Accepted .

 

 

 

 

- Doctorat -

 

Mon travail de Doctorat a consisté à développer un modèle mathématique multi-échelle de l'angiogenèse tumorale, i.e. à établir des équations mathématiques permettant de retranscrire les différents mécanismes considérés, à résoudre numériquement ces équations, à déterminer la valeur des différents paramètres du modèle, et à mener des expériences in silico. Ce modèle se compose de douze équations aux dérivées partielles (quatre équations stationnaires et huit non-stationnaires) de type réaction-diffusion et chemotaxie / transport.

 

L'angiogenèse se définit comme le processus de formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants.

 

L'angiogenèse joue un rôle déterminant dans le développement des cancers. En effet, une tumeur solide se développe initialement grâce aux ressources, oxygène et nutriments, disponibles dans son environnement. Cependant, lorsque ces ressources deviennent rares, la tumeur ne peut poursuivre son développement. Cette tumeur induit alors, par sécrétion de substances chemoattractantes diffusant dans le milieu environnant, la création de micro-vaisseaux à partir des vaisseaux sanguins préexistants. Ces néo-vaisseaux se développent en direction de la tumeur. Disposant ainsi de son propre réseau vasculaire, cette dernière peut, par l'intermédiaire du flux sanguin, s'approvisionner en oxygène et nutriments, et poursuivre ainsi son développement.

 

La complexité des phénomènes impliqués dans la croissance tumorale et l'angiogenèse rend l'élaboration et l'optimisation des traitements anti-angiogéniques difficiles et potentiellement dangereuses pour les patients concernés. Dès lors, la modélisation mathématique apparaît comme une approche complémentaire aux approches biologiques traditionnelles.

 

Le modèle mathématique d'angiogenèse tumorale que j'ai développé pendant mon Doctorat intègre les principaux mécanismes intervenant au cours de l'angiogenèse tumorale aux échelles tissulaire et moléculaire. En effet, outre les phénomènes tissulaires traditionnellement décrits dans les modèles disponibles dans la littérature (diffusion, chemotaxie), mon modèle intègre les mécanismes de liaison ligand-récepteur, mécanismes clés de la communication intercellulaire. Ce modèle est le premier modèle d'angiogenèse à considérer les interactions moléculaires entre différentes substances pro- et anti-angiogéniques (endogènes ou exogènes), facteurs déterminant dans la régulation de l'angiogenèse tumorale. Ces interactions n'étant pas prises en compte dans les modèles d'angiogenèse précédemment développés, ces derniers ne peuvent prétendre étudier leur rôle dans le processus angiogénique, ni, par conséquent, modéliser l'action de traitements anti-angiogéniques de façon mécanistique.

 

Mon modèle est, de plus, couplé à un modèle de croissance tumorale adapté d'un modèle de cycle cellulaire structuré en âge développé par D. Bresch et al [7].

 

D'un point de vue mathématique, ce modèle d'angiogenèse couplée à la croissance tumorale repose sur des équations aux dérivées partielles de réaction-diffusion, chemotaxie / transport modélisant l'évolution spatio-temporelle des densités de cellules endothéliales (constituant la paroi des vaisseaux sanguins), de cellules tumorales, ainsi que des concentrations tissulaires en substances pro-angiogéniques actives (VEGF, angiopoïétine-2) et anti-angiogéniques actives (endostatine, angiopoïétine-1), et en oxygène. J'ai distingué les cellules endothéliales stables, i.e. constituant la paroi des vaisseaux sanguins fonctionnels, des cellules endothéliales instables, proliférant et migrant en direction de la tumeur. A l'échelle moléculaire, les substances angiogéniques se liant à des récepteurs spécifiques situés sur la membrane des cellules endothéliales, j'ai modélisé ces liaisons ligand-récepteur à l'aide de lois pharmacologiques. Cette méthode permet de prendre en compte l'action de substances antagonistes sur le système considéré, cette action pouvant modifier de façon significative l'évolution du processus angiogénique. Dans les équations du modèle, ces lois interviennent dans l'expression des taux de prolifération, chemotaxie et stabilisation des cellules endothéliales instables.

 

Afin de permettre l'implémentation de ce modèle, les équations faisant intervenir à la fois des termes de réaction, diffusion, et chemotaxie / transport ont été discrétisées à l'aide d'une méthode de splitting. Les équations de diffusion ont été discrétisées par une méthode de type volumes finis. J'ai, de plus, eu recours à une méthode de pénalisation afin de définir la source d'oxygène, la concentration en oxygène étant supposée constante là où la densité de néo-vaisseaux sanguins fonctionnels est non-nulle. Les équations de chemotaxie / transport ont, quant à elles, été discrétisées par un schéma de type WENO (Weigthed Essentially Non-Oscillatory) d'ordre 5 en espace et par un schéma Runge-Kutta d'ordre 3 en temps. Les systèmes linéaires découlant de ces discrétisations ont été résolus à l'aide de l'outil PETSc. J'ai choisi d'implémenter ces différents schémas à l'aide du langage de programmation C++.

 

Le modèle d'angiogenèse tumorale développé au cours de mon Doctorat a ainsi permis de reproduire de façon qualitativement satisfaisante les interactions entre les phénomènes d'angiogenèse et de croissance tumorale (cf Figure 1).

 

 

 

 

Figure 1 :

De haut en bas : évolution spatio-temporelle des densités de cellules endothéliales (stables et instables) et tumorales.

Initialement, une tumeur circulaire est située au centre du domaine, et supposée entourée de quatre vaisseaux sanguins préexistants.

Les images de gauche montrent l'évolution de la densité de cellules endothéliales proliférant et migrant depuis les vaisseaux préexistants vers la tumeur, sous l'action chemoattractante du VEGF. Le contour de la tumeur est représenté par un trait  fin.

Les images de droite montrent l'évolution de la densité de cellules tumorales (proliférantes et quiescentes). Le contour de la distribution de cellules endothéliales est représenté par un trait fin. Dès que la densité vasculaire est suffisamment élevée au voisinage de la tumeur, les cellules tumorales périphériques disposent de l'oxygène nécessaire à leur prolifération.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce modèle a également permis de simuler l'action de différents modes de traitements anti-angiogéniques, d'analyser leurs effets sur le développement du réseau vasculaire et donc sur la croissance tumorale, ainsi que leurs modalités d'administration. J'ai, par exemple, simulé l'action d'une thérapie génique virale basée sur l'injection intra-tumorale de virus codant pour le gène de l'endostatine. Cette thérapie consiste à augmenter la production endogène de l'endostatine, substance, antagoniste du VEGF, sécrétée par les cellules tumorales, et donc à inhiber la liaison du VEGF aux récepteurs des cellules endothéliales instables. Cette inhibition engendre directement l'inactivation (non prolifération, non migration), voire la mort, des cellules endothéliales concernées. Les simulations ont permis de mettre en évidence l'existence d'une quantité d'endostatine "critique" en-dessous de laquelle apparaît un effet rebond : à taux de surproduction (i.e. dose de traitement) constant, une augmentation de la durée de la surproduction (i.e. de la durée du traitement) induit une reprise plus rapide de la croissance tumorale après l'arrêt du traitement. Cet effet rebond s'explique par l'accumulation de molécules de VEGF actif dans le milieu environnant pendant la durée du traitement, une partie des récepteurs étant occupée par les molécules d'endostatine. A la fin du traitement, lorsque les molécules d'endostatine surproduite disparaissent, les cellules endothéliales instables sont donc sur-stimulées par le VEGF actif, d'où une reprise plus rapide de l'angiogenèse. Mon modèle a ainsi permis de démontrer que, dans le cas d'un tel traitement, une augmentation de la durée du traitement peut être néfaste pour le patient.

Ces résultats in silico illustrent les difficultés sous-jacentes à l'optimisation de traitements anti-angiogéniques dans la pratique clinique.

 

Ces résultats ont fait l'objet de publications dans les revues Bulletin du Cancer [8] et Journal of Theoretical Biology [9].

 

Dans un futur plus ou moins proche, plusieurs extensions pourraient être apportées à mon modèle afin de permettre une étude plus précise des mécanismes impliqués dans l'angiogenèse. Je prévois ainsi de prendre en compte, de façon plus mécanistique, les interactions biomécaniques (adhésion cellule-cellule, stress, ...) entre le réseau vasculaire, la tumeur et leur environnement. Ces interactions affectent le développement du réseau vasculaire ainsi que la croissance tumorale. J'envisage également d'étudier l'action conjuguée d'un traitement anti-angiogénique et d'un traitement cytotoxique.

 

 

 

Références

[7] D. Bresch, T. Colin, E. Grenier, B. Ribba, and O. Saut. Computational modeling of solid tumor growth : the avascular stage. SIAM J Sci Comput, 32 (4): 2321-2344, 2010.

[8] F. Billy, O. Saut, H. Morre-Trouilhet, T. Colin, D. Bresch, B. Ribba, E. Grenier, JP. Flandrois. Modèle mathématique multi-échelle de l'angiogenèse tumorale et application à l'analyse de l'efficacité de traitements anti-angiogéniques. Bull Cancer, 95(NS): 65, 2008

[9] F. Billy, B. Ribba, O. Saut, H. Morre-Trouilhet, T. Colin, D. Bresch, J.P. Boissel, E. Grenier, and J.P. Flandrois. A pharmacologically based multiscale mathematical model of angiogenesis and its use in investigating the efficacy of a new cancer treatment strategy. J Theor Biol, 260(4) : 545-562, Oct 2009.

 

 

 

 

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